
27 Mai 2019
La responsabilisation des salariés - Échanges avec Jean-Dominique Senard
Le 13 mai 2019, les associés et directeurs de Turningpoint rencontraient Jean-Dominique Senard, ancien président du groupe Michelin, et maintenant président de Renault et de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Partenaire de cet événement organisé par l'Ircom dans les salons de La Maison de l'Amérique Latine, Turningpoint avait convié des clients proches pour échanger sur le thème de cette soirée : « La responsabilisation des salariés ».
Edouard de la Moissonnière, associé de Turningpoint, revient sur ces échanges.
Quel est le regard de Jean-Dominique Senard sur la responsabilisation des salariés ?
En anglais, la responsabilisation recouvre deux termes, accountability et empowerment, ce qui montre une notion très riche et sous-entend un double mouvement, entre confiance et devoirs liés à cette confiance.
Il est indispensable de pouvoir embarquer les salariés dans une raison d'être. Et pas simplement pour les jeunes, a-t-il précisé ! Tout le monde a besoin d'une raison d'être. Pas pour faire joli, mais comme un cap : la raison d'être donne le sens et est la pierre de touche de toute stratégie. Ainsi, la raison d'être de Michelin est visible dans sa signature : « offrir à chacun une meilleure façon d'avancer », ce qui va bien au-delà de permettre aux automobiles de rouler !
Théoriquement, ceci est facile à concevoir. Mais la mise en œuvre s'avère très difficile. Elle implique une conception de la personne humaine opposée à la conception tayloriste pour laquelle l'homme est une ressource exploitable. Dans la posture du leader, deux règles sont à retenir : ne jamais franchir la ligne jaune de ses convictions, et s'entourer de gens plus compétents de soi pour le bien du collectif. Ceci implique la capacité à laisser s'exprimer les collaborateurs, dans un cadre de respect des uns des autres.
Responsabiliser les salariés contribue à développer un capitalisme responsable, que Jean-Dominique Senard oppose d'un côté au capitalisme anglo-saxon et de l'autre au capitalisme d'État. Il explique que nous, Européens, avons un rôle particulier à jouer pour apporter une vision responsable de l'économie.
Concrètement, qu'a-t-il partagé de son expérience sur ce sujet ?
De 2009 à 2011, Michelin, a repensé toute sa politique du personnel Cela a constitué une vraie révolution managériale, avec un passage du management command and control à un management où les managers accompagnent et développent les personnes. C'est une conception profondément responsabilisante de l'homme. Je le cite : « Je dois tout aux collaborateurs de Michelin. Mon rôle est de libérer les talents, et d'assumer ce qui se passe ensuite ». D'ailleurs, chez Michelin, on ne parle pas de « ressources humaines », mais de « personnels » !
Jean-Dominique Senart nous a présenté tout ceci avec beaucoup de subtilité et d'humour. Ce qui m'a marqué également, c'est le courage de cet homme d'avoir accepté de prendre la responsabilité de Renault-Nissan-Mitsubishi à la veille d'une retraite déjà bien méritée !
J'ajoute un point, dont il n'a pas été question le 13 mai, mais qui importe. En mars 2018 ont été publiés les résultats de la mission « Entreprise et intérêt général », dont Jean-Dominque Senard a été l'un des rédacteurs - le fameux « rapport Senard-Notat ». Ce texte est assez révolutionnaire, car il met en valeur le statut d'« entreprise à mission », ces entreprises qui poursuivent un intérêt collectif ou général. Ce rapport nourrira de nombreuses réflexions, jusqu'à la loi PACTE votée en France récemment.
Comment ces paroles font-elles écho à Turningpoint ?
En écoutant Jean-Dominique Senard, nous buvions du petit lait. Il incarne la preuve vivante que cette conception responsabilisante de l'homme est non seulement possible, mais conduit à des succès, économiques et humains. Et il n'est pas anodin que ce soit lui à qui on a fait appel pour prendre en main les destinées d'une firme aussi importante que Renault.
Turningpoint a été créée pour développer la responsabilisation des leaders, qui par contre coup sont amenés à développer la responsabilisation des collaborateurs. Par responsabilisation, nous entendons le juste exercice de sa liberté : que faire pour mettre mes talents au service du bien commun ? Et nous pouvons envisager cette question selon les deux sens du mot responsabilisation (accountability / empowerment) que nous évoquions en commençant.
Tout ceci rejoint la conception de la personne humaine que nous portons chez Turningpoint et qui s'incarne dans notre raison d'être. Celle-ci peut se synthétiser dans notre signature : We develop leaders for good. Parler avec un tel homme montre que ceci est possible à très haut niveau, et que ça marche !
Enfin, Turningpoint se veut une « entreprise à mission ». C'est pourquoi, il est si important pour nous d'être une « B-Corp », ce qui nous engage.
![]() |
![]() |
![]() |